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Un viol si ordinaire

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Un viol si ordinaire

Le viol, les viols continuent.

De jeunes femmes me racontent ce qu’elles ont subi. Et si souvent, leur récit ressemble à ce témoignage publié il y a 50 ans !

Pour que le viol, les viols, tous les viols, cessent.

« Un viol si ordinaire, un impérialisme si quotidien » « Nous avons sympathisé parce que nous avions des points de vue communs sur l’impérialisme et la lutte de libération de nos pays d’origine respectifs. En ce qui me concerne, il prit l’initiative de faire ma connaissance au cours d’une réunion au foyer en me disant : « J’aimerais discuter avec toi sur le Viêt-nam car je crois que tu es vietnamienne. (…) Intéressée [par le sujet], j’ai accepté de bonne foi et j’ai conclu : « on se verra après la réunion ». A la sortie de cette réunion, nous sommes allés au café pour discuter. On ne discuta pas très longtemps de ce sujet et je me rendis vite compte que la recherche d’une discussion sur le thème évoqué n’était qu’un bon prétexte pour me draguer. Il prit ma main, la trouvant « chaude », rapprocha sa chaise de la mienne et tentât de m’embrasser. Gênée, je n’osais pas le repousser brusquement. Je lui fis comprendre que je n’acceptais pas ses avance en retirant sans cesse ma main de la sienne et le repoussant dans sa tentative d’embrassade. Mais il insista malgré tout, car il devait se dire « elle finira par être d’accord ». J’engageai alors une discussion avec lui à propos de la drague des femmes en lui faisant remarquer que, pour draguer, les hommes trouvent des tas de prétextes pour approcher les femmes dans l’intention de « les baiser », lui citant mon exemple (…). Un jour, il frappa chez moi. Je le fis entrer car je ne pouvais faire autrement tout en lui faisant plus ou moins confiance (…). Il me força à l’embrasser, je le repoussai très énervée, j’étais décidée à me faire clairement comprendre. (…) Exaspérée, je lui dis : il faut t’en aller, je suis déjà très en retard. » Il retira brusquement ma main de la poignée de la porte en me disant : « je ne veux pas qu’on se fiche de moi. Je ne suis pas un objet !!! (sic) qu’on manipule comme on veut (mon refus blessait sa virilité) ». Je lui dis que c’était regrettable que cela se passe ainsi entre nous. Je n’imaginais pas que ce serait « ça » notre entrevue et que nos relations auraient pu être autrement sans sa mauvaise intention. Il profita de cette accalmie, se rapprocha de moi pour me dire au revoir puis se jeta sur moi. Il me poussa et m’accula contre l’évier de la cuisine et m’embrassa de force et de la main, il força mon sexe. A ce moment précis, je savais qu’il passait au viol véritablement, et lui dis : « Tu veux me violer pour me punir parce que je t’ai humilié ». Il ne répondit pas. Il m’ordonna d’entrer dans la chambre à coucher, ce que je refusai de faire, il me souleva, je m’agrippai aux murs et criai au secours, il me jeta sur le lit et m’empêcha de crier disant : « ce n’est pas dans ton intérêt de crier ». (…) Il prenait possession de mon corps, comme on conquiert une terre par la violence et voulait me punir d’avoir résisté à sa politique masculine de domination. Le pouvoir est au bout du phallus, il me le confirma en me violant, affirmant ainsi sa « virilité fasciste ». (…)

Ouvrage Collectif, Les femmes s’entêtent, « Un viol si ordinaire, un impérialisme si quotidien, Maï », Gallimard, Paris, 1975, pp 188-210 – ouvrage précieux, non réédité, j’espère qu’il le sera à nouveau prochainement.